Sale temps pour les idoles en ces temps iconoclastes !
Chaque jour apporte sa moisson putride de révélations infamantes sur tel ou telle qu’on a adoré hier avant le bûcher d’aujourd’hui. Rien de nouveau sous le soleil, semble-t-il même si on nous fait croire ainsi que tout fout le camp et que c’était mieux avant.
Nous en sommes arrivés à un point, avec nos moyens modernes d’investigations, où tout candidat à quoi que ce soit doit se montrer plus blanc que neige et aussi innocent que l’agneau qui vient de naitre. Et que tout candidat à une postérité pérenne doive passer un examen de moralité de ses actes passés au risque de réveiller de vieilles rancunes ou de pousser des victimes oubliées à enfin sortir du bois pour sauver ce qui peut encore l’être de leur personne.
Ce révisionnisme permanent exercé par des gardiens de moralité autosaisis, crée une insécurité sociale à la fois salutaire et délétère.
Les faits rapportés, une fois vérifiés et documentés, révèlent les faiblesses collectives face aux dérives d’individus faillibles et changeants, dont certains défauts parmi les plus partagés, tels la volonté de puissance, mènent à des actes épouvantables devant être dénoncés et sanctionnés sans faute sous peine de discréditer les instituions de contrôle de nos sociétés humaines qui doivent primer sur tout ce qui peut leur faire obstacle. Par exemple, l’omerta familiale ou de clan, les menaces physiques, etc.
S’il est salutaire que les salopards de toutes sortes soient dénoncés, gare aux fausses accusations aux conséquences terrible pour leurs cibles dans ce monde où tout va trop vite et sans réflexion, où le syndrome « pas de fumée sans feu » règne en maitre, où le démenti n’est pas glamour.
Une autre conséquence de ce bazar, la querelle autour de la confusion ou de la séparation de la personne et de son œuvre. Combien d’œuvres considérables et importantes pour l’humanité, sont dézinguées et reléguées aux oubliettes ou au bûcher parce que leur auteur est/était un enfoiré ? Ici se situe une menace sournoise de déconstruction dont on peut soupçonner les visées idéologiques.
Tant qu’elles ne font pas l’apologie de je ne sais quelle perversion, les œuvres ne doivent pas subir le sort de leurs auteurs, il suffit d’expliquer leur contexte, histoire de nous faire réfléchir sur le nôtre !
De plus, poussons le bouchon, imaginez que nous ayons rejeté la Relativité Générale au prétexte qu’Albert Einstein s’était mal comporté avec son épouse Milena ou qu’il ait poussé à la réalisation de la bombe atomique, imaginez la même chose pour la mécanique quantique parce que Werner Heisenberg a un peu trop flirté avec les nazis… Fini les ordinateurs, les téléphones portables, le GPS, sans parler de toutes les avancées dans la compréhension du monde physique autrement qu’au travers de dogmes religieux !
L’actualité nous place au bord du précipice : l’Abbé Pierre aurait eu la main leste et un attrait un peu trop conquérant pour la gent féminine ? Vite, éliminons Emmaüs comme invention du Diable !
Absurde ! Aussi absurde que toute forme de chasse aux sorcières.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde paradoxal capable d’un côté de produire les pires saloperies à l’insu de tous en se planquant dans le Darknet mais aussi de rendre transparente les vies de tous ceux qui n’ont pas pris les mêmes précautions et sont livrés aux justiciers anonymes autoproclamés dont j’aimerai bien que les vies et les desseins cachés se retrouvent aussi en pleine lumière.
Je suis très inquiet du fait que la nature des dénonciations puisse varier en fonction de fluctuations idéologiques ou sociétales, de volontés de nuire ou de manipuler et que le public ne soit plus capable de discerner le vrai du faux tant le premier degré crasse, effet collatéral de l’individualisme et du court-termisme, est devenu la norme.
Mais tout n’est pas négatif : cette tendance va contre notre attirance millénaire pour des femmes ou hommes providentiels sensés tout régler et apporter paix et sécurité. Avec les résultats que l’on sait, enfin, pour ceux d’entre nous qui s’intéressent encore à l’histoire de l’Humanité…