Contrairement à ce que beaucoup pensent, il semblerait que notre cervelle ne soit pas capable de faire plus d’une chose à la fois. Par expérience, il semblerait que ce soit vrai.
Les ordinateurs le font, soit parce qu’ils sont programmés pour découper leurs tâches et les entremêler en un clin d’œil, soit parce qu’ils sont doté par construction d’une multitude de processeurs, ces sortes de mini-cervelles qui ne connaissent que les 0 et 1.
Cependant, à la différence des humains, ce qu’ils traitent n’a aucun sens pour eux, inconscients qu’ils sont du monde qui les entoure et des raisons pour lesquelles ils fonctionnent.
Quant à nous, et ce n’est pas la moindre de nos capacités, nous sommes conscients de notre environnement, des trois dimensions qui forment l’espace où nous évoluons au présent, avec le souvenir du passé et une aptitude à imaginer le futur. Mais, pour revenir à mon propos initial, nos actes volontaires, quels qu’ils soient, s’enchainent sur un même chemin ce qui, dans un univers aussi complexe que celui que nous avons construit, pose problème.
Lorsque nous débutons une action, rien ne nous empêche de passer à une autre, au prix de ne pas achever la précédente à moins d’y revenir en abandonnant l’autre.
Si l’action dont je parle d’une façon générale est celle de comprendre le monde, rien ne va plus et on le constate tous les jours en suivant l’actualité.
Les pires événements sont balayés sans pitié par les suivants, peut-être moins graves, mais jouissant de l’attrait de la nouveauté. Sujet préoccupant dont je vous parle souvent.
Le conflit entre le Hamas et Israël a mis sous le tapis l’Ukraine, le Soudan, la flambée mondiale du fascisme, le sort des femmes en Iran et en Afghanistan, les routes de la soie, le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources, etc.
Ainsi va l’actualité. La subir ainsi quotidiennement, tête baissée, nous maintient dans une confusion permanente, une purée de poix qui brouille toute possibilité de discerner des tenants et des aboutissants, de comprendre ce qui se trame ici ou là et d’envisager les conséquences que cela pourrait avoir pour nous.
Comprenons que nous vivons sur une immense toile d’araignée. Tirer l’un de ses fils peut la faire trembler nul ne sait où si nous sommes justement empoissés dedans.
La compréhension du monde nous impose une démarche toute autre que celle que nous entreprenons pour agir : partant d’une vision séquentielle au ras du sol, nous devons prendre du recul, nous élever au-dessus de la toile pour adopter une vision globale, seule à même de nous permettre de faire des liens, des rapprochements entre des faits parallèles apparemment indépendants.
C’est un effort important, constant mais payant, qui éclaire bien des choses, notamment toutes les petites manœuvres des affamés de pouvoir, les infamies des vendeurs de rêves ou de salut mais aussi les avancées de l’intelligence qui, depuis des siècles, grignote petit à petit son chemin vers la lumière.
Fort de ces constats, il est facile de mettre à jour les manigances du système politico-économique qui nous submerge d’informations de moins en moins fiables histoire de saturer nos entendements surmenés et de nous interdire toute forme de réflexion car il ne tient que par notre ignorance et l’entretien de notre indifférence à ce qui n’est pas nous.
Il manque à notre temps les esprits libres qui s’affrontaient dans le champ des idées, qu’elles aient été bonnes ou mauvaises, produisant de la réflexion et de grands mouvements de pensée dans lesquels il était possible de distinguer du sens à nos vies. Il ne reste aujourd’hui qu’une pensée unique, forme déguisée de non-pensée qui ne doit sa survie qu’au flot incessant et changeant d’informations mêlées sous lesquelles elle se camoufle.