En galère, la démocratie ! Qu’est-ce que j’entends par là ?
Qu’elle recule partout où elle avait réussi à mettre un pied dans la porte.
Par la difficulté de sa mise en œuvre concrète, ou sous une multitude de prétextes portés par une part croissante de gens peu enclins à se soumettre à des principes qu’ils conchient, elle se voit remise en question en des lieux aussi inattendus que proches de la sphère politique où évolue notre pays.
Il est facile de lister ces lieux de perdition démocratique, notre presse s’en fait l’écho en râlant ou en s’en félicitant, suivant son obédience, comme il se doit, quand on respecte sa liberté.
Il est facile aussi de lister un certain nombre de critères en forme de grille de lecture, permettant d’un coup d’œil, de se faire une idée du niveau de démocracité (oups, je me prends pour Ségolène !) d’un pays et de sa tendance à dériver vers l’autocratie.
Essayez avec les libertés de parole, de la presse, de déplacement, de croyance, de sexualité, de manifester, de s’opposer, posez-vous la question de leur respect chez nous, puis chez nos voisins immédiats, puis en vous éloignant un peu plus. Le résultat est édifiant et plus qu’inquiétant du point de vue de l’esprit des Lumières ! A croire que ce courant philosophique ne fait pas du tout l’unanimité sur la planète et que ce n’est finalement qu’une utopie même si son universalisme la distingue de bien d’autres. Car je parle ici de cette récente idée de démocratie, pas de celle des Grecs anciens, qui, proche en principes, était bien différente dans son application.
C’est peut-être cela, son problème à cette idée généreuse, elle est universaliste. Énorme handicap lorsqu’il faut s’imposer sans violer les principes qu’on défend face à des peuples rétifs à quitter le giron de leurs traditions séculaires. Nous les premiers.
Cette conception politique née de la Révolution Française et de la Déclaration des Droits de l’Homme, issue d’un large courant philosophique européen irrigant tout le XVIII^ème siècle, fit rêver les peuples mais permit surtout à la bourgeoisie de s’affranchir du roi et du curé pour ouvrir une ère dans laquelle nous vivons toujours. Une ère où, hélas, à l’usage et contrairement à ce qui devrait être, certains sont toujours plus égaux que d’autres.
L’autre problème posé par cette idée, découlant de la première, c’est que les pays où elle est née, qui dominaient le Monde à ce moment, se sont mis dans la tête de l’imposer partout et hop, je ne veux plus voir qu’une tête. Première funeste erreur.
Comme souvent, les idées des autres sont comme le pré plus vert du voisin, elles sont attrayantes jusqu’à ce qu’on se les voient imposées : là ça se gâte. Nous, occidentaux, avons péché par angélisme en croyant naïvement que les peuples du reste de la Terre attendaient nos bonnes paroles pour les adopter d’enthousiasme. Seconde funeste erreur.
L’histoire récente peut être interprétée comme une suite ininterrompue de confrontations au travers de diverses grilles de lecture, politiques, idéologiques, économiques, ou dans le cas qui nous intéresse ici, de conception du Monde, une notion qui recouvre l’ensemble des autres ainsi que tous les aspects des sociétés, jusqu’à leurs recoins les plus reculés.
Elle éclaire la contradiction entre l’envie que suscitent souvent les modes de vie des occidentaux pour ceux venus dans leurs pays et qui les adoptent avec plaisir tout en se disant : super, mais pas de ça chez moi ! D’où une mutuelle incompréhension nourrissant rancœur et méfiance tout en alimentant une décohésion sociale dans les autres pays entre les bénis et les maudits du contrat social en place.
L’idée de démocratie est un idéal bien difficile à mettre en place et à respecter. Elle est bien malade chez nous de l’exaspération de dirigeants élus qui peinent à se plier à ses règles et s’en affranchissent sournoisement à la moindre occasion. Que dire de pays où en plus, elle est vécue comme étrangère ?

Bonjour Daniel
La démocratie est en théorie une belle idée. Mais un système fonctionnant avec quelques milliers de citoyens athéniens est-il réellement transposable dans des Etats peuplés de centaines de millions d'habitants ? La question mérite à tout le moins d'être posée.
Ce système souffre en outre de tous les tripatouillages mis en oeuvre par les politiques contemporains pour tenter de gagner les élections (réforme des modes de scrutins, modifications des cartes électorales...).
Il souffre aussi des organisations mises en place ici où là. La France doit aujourd'hui respecter des règles européennes fixées par une commission dont le mode de désignation n'est pas vraiment un modèle de démocratie.
Enfin, quand un Président élu avec péniblement 20 % des électeurs inscrits sur les listes électorales est en capacité de décider de tout, tout seul, peut-on encore parler de démocratie ?

Allez, je me lance. Ce que j’appris a l’université, d’Alain Caillé (disciple de Marcel Mauss et dont la marotte était la réflexion autour du don), c’est que, toute imperfectible soit telle, la démocratie est néanmoins la seule structure politique et sociale qui permet de ne pas se faire la guerre (j’entends bien sur guerre au sens militaire du terme). Existe -t- il selon toi un autre modèle capable de cette paix (relative dans bien d’autres domaines, je te l’accorde) ? Quand aux déviances de la démocratie, et comme tu cites le XVIIIe, on sait que Tocqueville les avait mis en avant dès ses débuts. Ne soyons pas trop étonnés ou tristes que ses prédictions se réalisent… le pouvoir n’est pas au peuple tant que son seul pouvoir sera de déléguer à un seul homme (ou femme, ne soyons pas sexiste) le pouvoir de faire et voter les lois. Le siècle des lumières est bien loin d’avoir fini sont œuvres émancipatrices du citoyen. Les consciences s’éclairent et s’assombrissent au fil des saisons, j’aime à penser, qu’aussi petit soit-il , des pas nous font avancer progressivement… qu’est-ce que 200 ans à l’échelle d’une civilisation ;)