La grève, arme fatale. Mais pour qui ?
Je m’étais déjà posé cette question plusieurs fois (« Les grèves du passé » du 1er juin 2019, « Grève et retrait » du 20 octobre 2019, « Grève et galère » du 28 novembre 2019) sans trouver de réponse bien claire. J’y reviens aujourd’hui par la force des perspectives 2023…
Depuis l’avertissement lancé par les Gilets Jaunes, rien ne me semble avoir évolué, pas plus du côté des contestataires toujours aussi dispersés dans leurs courants et dans leurs revendications, que du côté des dirigeants toujours plus convaincus que le dogme néolibéral est la panacée universelle.
L’épisode Covid, non encore achevé est venu rajouter encore plus de confusion en fortifiant des courants complotistes qui fracturent encore plus qu’elle ne l’est la société française. D’où un chacun pour soi et tous contre tous qui mènera plus sûrement au chaos qu’au combat unitaire !
La question de fond demeure : par quel moyen peser sur des dirigeants cristallisés dans leurs convictions, qui ne veulent rien entendre ni rien lâcher ?
La grève a été inventée à une époque où elle pesait directement sur les uns qui se remplissaient les poches en profitant de leur situation dominante en possédant les moyens de transformer le travail des autres, en leur seul moyen de subsistance. En ces temps-là, la grève pouvait finalement être bien plus couteuse pour les possédants que pour les travailleurs.
C’était un outil puissant comme cessation concertée du travail pour une ou des raisons connues et acceptées de tous ses participants.
Aujourd’hui, le fractionnement de la société, les coups terribles portés aux organisations collectives de salariés par l’idéologie économique porteuse d’individualisme, la conscience qu’ont les salariés des petites entreprises de la fragilité de leurs employeurs, font que ces mouvements n’interviennent que de manière ponctuelle dans de grandes sociétés promises à une prochaine liquidation mais presque généralement, que dans les services publics. Les conséquences sont alors terribles pour leurs usagers dont la charge mentale atteint des sommets, alors que ceux qui sont visés jouent le plus souvent la montre. Poursuivre dans cette voie finira par mettre le pays à feu et à sang, surtout si les forces de l’ordre de la République continuent à être utilisées comme des milices gouvernementales.
D’où le sentiment général qu’il y a erreur de cible. Et selon moi, moyen sournois de monter les gens les uns contre les autres et d’abonder la décohésion sociale qui permet au système de prospérer sans limites ni menace avérée.
Il y a donc urgence à inventer d’autres moyens de forcer nos dirigeants à tenir leurs promesses ou à écouter ce que demandent leurs électeurs. Mais quoi ?
Le boycott ? Excellent, il faut cesser de voter par habitude pour ceux qui ne font rien pour nous et ont oublié les vertus de l’intérêt général. Mais alors, voter pour qui ? Car dans l’isoloir, on se trouve bien dépourvu de solutions alternatives qui ne soient pas délirantes ou de chapelles. Le boycott débouche sur cet abstentionnisme qui revient à donner un blanc-seing aux élus perpétuels qui n’en demandent pas moins.
La protestation de masse ? A moins d’être dix millions dans les rues, ça ne marche pas ! Pourtant, à ceux qui doutent que cela soit encore possible dans une société démobilisée, je rappelle que, par exemple, les victoires footballistiques savent encore pousser tout le monde dans la rue… Reste à dégager les mots d’ordre mobilisateurs : sortir les services publics du diktat du Marché, exiger le retour de la République sur tout le territoire, rétablir l’équité sociale en matant les accapareurs qui ont proliféré dans le brouillard du néolibéralisme sauvage, je suis loin de penser à tout ! Aidez-moi, aidons-nous !