Avoir une opinion sur l’évolution du monde est une entreprise complexe émaillée d’écueils tant nourrir une réflexion demande de puiser d’innombrables faits aux sources les plus diverses avant de les confronter en veillant à ne pas sombrer dans le nombrilisme et les idées reçues.
On peut ainsi observer la grande diversité des analyses, beaucoup étant entachées de contradictions et de partis pris rédhibitoires, même si les conclusions sont assénées à coups de masse !
La lecture de certains articles, éditoriaux, essais et livres comme par exemple « Traité d’économie hérétique » de Thomas Porcher, a cependant quelque chose de rassurant.
Nous y retrouvons avec intérêts un ensemble de réflexions et de thèses qui nous sont familières, démontrant qu’une situation donnée considérée de différents points de vue peut aussi être comprise de la même manière.
Nous observons le monde au travers du filtre du bon sens et de la décence commune, en veillant à varier les points de vues pour réduire les ombres portées à ce qu’elles sont et nous nous efforçons de le comprendre sans partis pris ni prendre nos rêves pour des réalités. Harassant et inconfortable, mais excitant une curiosité inlassable qui abonde ce mouvement vers une meilleures connaissance du monde.
Nous nous sentons cependant beaucoup moins légitimes à nous exprimer dans ce vaste domaine que d’autres qui mènent la même quête avec un bagage universitaire aussi considérable qu’adéquat, avec la reconnaissance de leurs pairs, même de ceux qui ne sont pas en phase avec leurs conclusions.
Mais à la réflexion, je crois que ce sentiment né d’une conscience de classe bien réelle et du constat d’une éducation déficiente ou trop ciblée, ne doit pas devenir un obstacle à la liberté de réflexion et encore moins un prétexte à faire l’autruche.
Cette espèce de pudeur à ne pas vouloir s’aventurer sur un terrain inhabituel vient de la confusion si facile à faire et à entretenir entre le moteur de la réflexion et ce qui l’alimente.
Même si cela ouvre des espaces vertigineux, nous devons admettre que le bon sens et la décence mâtinés d’esprit critique sont à la portée de tous ceux qui parviennent à s’extirper de la poisse des diversions si prodigalement dispensées par notre époque. Et que lorsqu’on dispose d’un tel outil, même s’il se nourrit de chasse et de cueillettes, rien ne s’oppose à débattre avec d’autres pareillement dotés mais plus installés dans la connaissance du monde. Car il y a langue commune.
N’oublions pas non plus que l’insuffisance de connaissances académiques trouve sans mal compensation dans l’accumulation d’expériences de vie qu’il devient alors possible d’analyser pour en tirer une vision du monde rejoignant de façon stupéfiante celles née de chemins plus conventionnels.
Alors ne perdons plus de temps à nous demander si on est légitime ou non à se préoccuper de telle ou telle chose du monde, aventurons-nous là où nous pourrons peser même un petit peu auprès de ceux qui nous y auront précédé et apprécieront ce renfort atypique mais bien réel.