L’évolution d’un individu dans une entreprise ou tout autre système organisé revêt une importance partagée même si les intérêts en jeu sont divergents.
En effet, le hic, c’est que les points de vue sont bien différents. Les uns cherchent à se faire valoir pour progresser ou être mieux traités, les autres à mettre la bonne personne à la bonne place.
Il s’agit donc d’un conflit entre mérite et évaluation.
Là où l’un estime qu’il mérite mieux, l’autre ne cherche que la bonne pièce pour son puzzle.
On observe aussi que la nature de cet échange évolue en fonction de la disparité de l’empreinte sociale des protagonistes.
Un petit patron sera plus proche de la personne avec laquelle il discute d’avenir car il vit avec elle tous les jours, elle fait partie de son entourage, il n’est pas ficelé dans des procédures tombées du ciel. La relation reste du domaine du ressenti.
Il en est tout autrement dans une grande structure où la volonté de tout contrôler à distance passe par une application stricte de procédures d’évaluation figées transformant les individus en objets mathématiques réduisant toute relation à des questionnaires à choix multiples bien entendus orientés dans le seul intérêt de l’évaluateur. L’évacuation du ressenti est une priorité inavouée mais bien réelle.
Il en résulte une immense disparité de management : d’un côté, il s’agit de relations entre personnes allant d’apaisées à orageuses, de l’autre il s’agit de rentrer dans les petites cases déterminées par l’intérêt seul de l’entreprise même si c’est parfois présenté avec un ruban autour …
Ceux qui vivent de leur temps de travail sont donc soumis à une évaluation permanente, plus ou moins humaine les tenant dans une dépendance à l’avis d’un individu ou d’une procédure. Cette situation est insupportable en ce qu’elle s’oppose au libre-arbitre et ne tient souvent pas compte du mérite et de la loyauté des personnes.
Une bonne gouvernance des ressources humaines est un art tout d’équilibre entre reconnaissance des personnes et besoins du système. A notre époque, vu l’évolution des gens et des entreprises, la recherche de cet équilibre est la priorité des priorités mais les protagonistes ne semblent pas l’avoir bien compris, la volatilité des uns s’opposant au durcissement des autres.
Ce constat que je ne suis pas le seul à faire, commence à initier quelques réactions timides.
Les gens ont évolué, modelés par un système politico-économique qui les a rendus individualistes, peu attachés à un monde du travail qui a maltraité leurs parents, même s’ils sont aussi dépendants que leurrés par une propagande permanente qui fait miroiter des avenirs radieux aussi virtuels que mensongers dans lesquels tout parait disponible en un clic ! Par mépris d’une force collective en faillite, ils optent massivement pour des statuts d’entrepreneurs individuels les plaçant à la merci du système libéral qui n’en peut plus d’une telle aubaine mais ne voit pas non plus qu’ainsi est remis en question le principe même du capitalisme dès lors que ceux qui créent la valeur ne jouent plus son jeu !
En réaction, les entreprises, toujours dans la sidération face à cette évolution, évoluant dans un univers concurrentiel impitoyable, ont mécaniquement durci leur attitude vis-à-vis des salariés, aggravant encore le phénomène qu’elles voulaient combattre.
Les acteurs économiques sont aujourd’hui face à une population qui est ce que nous en avons fait et qui ne changera qu’en termes de génération puisque c’est un problème d’éducation : ils doivent donc évoluer maintenant pour s’y adapter en commençant par remettre en question leurs parts de responsabilités dans cette crise de société, c’est-à-dire leurs méthodes de commandement et d’évaluation ainsi que leur savoir-être.