Le devoir de mémoire est une invention récente. Avec le centenaire de la Grande Guerre, c’est une expression devenue familière. Au point qu’on ne se demande même plus ce qu’elle cache.
Pour moi, c’est un emplâtre sur une jambe de bois, un artefact destiné à cacher un désastre avéré : la faillite totale de l’enseignement de l’histoire –et bien sûr de la géographie- dans nos écoles.
Je ne jette pas la pierre aux enseignants étranglés qu’ils sont par l’obligation de conformité aux programmes dictés par l’institution, mais plutôt sur ceux qui les orchestrent.
L’histoire et la géographie, c’est x, y, z, t, c’est l’espace-temps. Nous sommes construits dedans. Le nier est une aberration.
Pourtant, en observant ce qui est aujourd’hui enseigné et le résultat produit sur les jeunes humains, il y a de quoi s’affoler ! Je suis de plus en plus stupéfait de la pauvreté des connaissances en histoire ainsi que du mépris de la géographie affiché par une majorité de nos semblables qui ne jurent que par leur GPS ou leur smartphone dans un grand yaourt de pensée.
J’ai l’impression d’être un vieux schnock qui radote bien que régulièrement des enquêtes statistiques viennent conforter mes impressions.
Et je me demande quels sont les buts réels de ceux qui façonnent les programmes et taillent sans cesse dans les heures de cours au point que ces enseignements disparaissent petit à petit dans un nombre de plus en plus grand de filières, notamment techniques. Comme si les techniciens n’en avaient pas besoin ! Ou ne les méritaient pas.
S’il existait un tribunal jugeant des crimes contre la société comme je le réclamais ici il y a quelque temps déjà, nous aurions le devoir d’y courir assigner l’état pour mise en danger de déracinement des générations montantes !
Il est clair que l’enseignement s’est orienté vers ce qu’il est nécessaire de savoir pour programmer les futurs consommateurs et que le reste est considéré comme superflu d’autant que les ignares sont beaucoup plus faciles à gouverner, pardon, à enfumer.
Et pour faire passer la pilule, on invente le devoir de mémoire pour formater à desseins ce qu’il faut savoir de l’histoire récente en mélangeant le tout dans un fatras cérémoniel un peu showbiz tout en veillant bien que le tout soit emporté comme le reste dans le flux permanent de buzz qui noie toute velléité d’en savoir plus. On passe de l’histoire à la mémoire, d’une science humaine documentée et robuste à des notions aussi évanescentes qu’un babil sur les réseaux narcissiques, oups, pardon, sociaux.
Et, navré pour les enseignants de ces matières martyres, je ne vois rien de rassurant dans le schéma dominant qui n’a plus grand-chose de culturel si on englobe les arts et la musique tout en observant que les matières les mieux ancrées sont surtout utiles à sélectionner les premiers de cordées.
Encore un petit effort d’indifférence et l’école deviendra la foire aux bestiaux dont rêve le libéralisme sauvage qui n’a que faire des humanités pas plus que de l’humanité au-delà de sa force de travail.