“Demain” vient d’obtenir le César du meilleur documentaire. Plus de 700 000 spectateurs sont déjà allés le voir, ce qui est énorme.
Pour Télérama, il s’agit d’une « sorte de détox à l'usage de citoyens abreuvés à l'idéologie de la croissance, une telle “transition”, aujourd'hui présente dans plus de cinquante pays, répand un nouvel optimisme autour de délibérations locales, de révolutions minuscules et de micropolitiques qui permettent d'avancer loin des radars... Autant de “Nous pouvons le faire !” qui infusent le film de bout en bout. » La référence au “Yes we can” de Barack Obama aurait pourtant de quoi troubler…
Selon Mediapart, il s’agit d’une « réalisation enthousiasmante (…) qui suscite des réactions aussi belles qu’inattendues. Partout où il est projeté, les spectateurs se lèvent à la fin de la séance et applaudissent à tout rompre, pour signifier leur soutien, leur adhésion à cette démonstration très simple, à savoir que les initiatives citoyennes en matière de respect de la nature, d’agriculture, d’éducation, d’organisation financière marchent et marchent bien. » Le titre choisi pour ce dithyrambe a pourtant quelque chose d’inquiétant : « “Demain”, on rêve gratis ».
“Demain” s’inscrit dans une série de documentaires de la même veine. Il est très semblable à “Sacrée croissance” ou à “Solutions locales pour un désordre global” qui date déjà de 2010. Le titre de ce dernier documentaire donne le programme. La Crise est générale ; les solutions seraient locales.
Ainsi, on apprend que « le recours à l’agroécologie permettrait de doubler les rendements agricoles dans les dix ans. » C’est si simple ! Les paysans qui conspuent François Hollande au Salon de l’agriculture feraient mieux de se reconvertir.
L’ennui, c’est qu’un des deux réalisateurs, Cyril Dion, est cofondateur avec Pierre Rabhi du mouvement Colibri. Et que les résultats concrets de ce mouvement sont plus que douteux, tant en agriculture qu’en pédagogie.
En réalité, aucune des solutions locales proposées n’a durablement fait ses preuves. Les monnaies locales, entrent dans le cadre du libéralisme absolu et ne font qu’accentuer la Crise. Une autre, comme le système scolaire finlandais, fonctionne effectivement infiniment mieux que notre système éducatif français. Mais justement : malgré toutes ses qualités, l’école finlandaise n’a pas empêché la population de s’appauvrir et la société de se désagréger. C’est le meilleur exemple qu’un problème global exige une réponse globale et pas locale, fut-ce à l’échelle du système éducatif d’un pays.
Cyril Dion se réfère à Podemos. L’avantage de Podemos, c’est qu’il n’est pas encore au pouvoir et qu’on peut croire à ses promesses. Il aurait pu citer Syriza qui est aussi issu du rassemblement d’une multitude d’initiatives locales. Mais il ne le fait pas, parce qu’on sait ce que ça a donné.
L’énorme succès de “Demain” est dû au sentiment de bienêtre qu’il procure momentanément, au désir de la plupart des gens de s’illusionner sur des solutions faciles, à leur désintérêt pour le réel et les résultats effectifs des expériences passées.
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