Madame Le Pen souhaite changer le nom de son parti, afin de se dégager de son côté sulfureux. Elle récuse être d’extrême-droite.

Beaucoup de Français ont récemment découvert avec stupéfaction que le Parti Socialiste se situe à droite. Ça n’était pourtant pas une nouveauté.

Alors, pourquoi cette confusion ? Qui est à gauche, qui est à droite, comment s’y retrouver ?

Il faut d’abord préciser ce que nous entendons par gauche et par droite. Je reprends la définition la plus classique. La droite est favorable à une minorité privilégiée ; la gauche défend les plus nombreux, ceux qui travaillent. Il en découle que la droite est naturellement autoritaire et la gauche plutôt favorable à la démocratie.

Après la Seconde Guerre Mondiale, la droite s’étant compromise dans la collaboration avec les nazis, plus personne ne s’est revendiqué de droite. Il a fallu attendre l’oubli et Sarkozy, avec sa “droite décomplexée”, pour que la droite reconnaisse être à droite. Entre temps, cette place avait été occupée par le Front National, que l’on a donc placé à l’extrême-droite.

Se situer à droite n’a donc pas été simple. À gauche, c’est encore plus compliqué depuis les années 80. Avec l’effondrement du communisme, la totalité des élites s’est ralliée à l’ultralibéralisme victorieux. Ne leur jetons pas la pierre. À l’époque, il semblait bien qu’on avait trouvé le secret “de la paix, de la prospérité et du bonheur.” Il y a donc eu un roque massif de la gauche vers la droite ; et symétriquement avec ce qui s’était passé après la Seconde Guerre Mondiale avec la droite se prétendant de gauche ou centriste, la gauche passée à droite a continué à prétendre qu’elle était de gauche.

Vous suivez ? Tout le personnel politique se retrouve à droite, mais une partie dit qu’elle est à gauche… Et ça n’est pas tout.

La bourgeoisie n’est pas une classe unifiée. Il y a les grands, ceux de la finance et des entreprises mondialisées. Il y a les petits et les moyens, en gros les petits commerçants, les artisans, les patrons des petites et moyennes entreprises – ceux qui doivent aller à leur banque pour se financer. La classe dominante dans la société ultralibérale, c’est la finance et les plus grandes entreprises. C’est elle qui profite de la mondialisation. Le reste de la bourgeoisie souffre, plus ou moins. Une partie de la plus-value qu’elle réalise est captée par les banques via des taux d’intérêt élevés, la sous-traitance, les rétro-commissions, etc. De plus, les inégalités sociales délirantes anémient les débouchés commerciaux.

Le Front National exprime les intérêts de cette fraction de la bourgeoisie. Celle qui a intérêt au rétablissement des barrières douanières, du contrôle de l’État sur la monnaie et le crédit. Le Front National est donc un parti de droite, mais moins à droite que les partisans de l’ultralibéralisme. Le Front National se retrouve ainsi à gauche du Parti Socialiste et du Front de Gauche…

Vous suivez toujours ? Ça n’est pas tout !

Les salariés n’ont plus de représentation politique depuis les années 80, les dirigeants des partis et des syndicats qui en étaient les porte-paroles ayant sauté la barrière (ce qui ne serait pas grave en soi, tout le monde peut se tromper. Errare humanum est. Le problème, c’est qu’ils sont restés de l’autre côté en se masquant derrière une phraséologie révolutionnaire. Perservare diabolicum. Quand ils sont dans l’opposition, ça ne se voit pas trop. Quand ils sont au pouvoir, le voile se déchire.)

Cela permet au Front National de tendre une main secourable vers les salariés qui, n’ayant plus de défenseurs, s’accrochent à cette main comme à un dernier espoir. L’alliance se réalise entre le patronat national et les travailleurs. Sous la direction, bien sûr, de ce patronat qui est à l’initiative et qui défend d’abord ses propres intérêts, les salariés servant de force d’appoint pour gagner la majorité électorale. Mais cela fait que, pour l’instant, le Front National penche de plus en plus vers la gauche.

La nouvelle carte politique après ces bouleversements se présente ainsi :

 Carte politique