Aujourd’hui, la politique est perçue comme une chose tantôt effrayante, tantôt ridicule. Effrayante car elle est pratiquée par un tout petit nombre soi disant expert ou spécialiste. C’est le côté inaccessible qui la rend effrayante. Ridicule car elle n’arrive plus à grand-chose dans la mesure où elle est accaparée par des individus corrompus qui n’ont que faire de la politique. Elle est devenue un moyen comme un autre pour arriver à des fins peu scrupuleuses : le pouvoir ou la richesse. Résonne encore et toujours le « tous pourris ».
Pourtant, la politique est à l’origine l’art d’administrer la cité, aujourd’hui devenue État. Cette administration passe par la législation ou règlementation du « vivre ensemble ». Ce qui manque à la politique actuelle, c’est sa motivation originelle, à savoir : ce « vivre ensemble » qui a pour but le bien commun. Le politique, c’est avant tout ce qui est public, ce qui est fait pour tous, et dans le meilleur des cas par tous. Ce dernier cas est celui de la démocratie.
La structure de notre belle société n’a plus rien de démocratique. Au contraire, elle se replie toujours un peu plus sur l’oligarchie, c’est-à-dire sur le pouvoir d’un tout petit nombre ; voire sur la monarchie, c’est-à-dire sur le pouvoir d’un seul. Le suffrage universel est une illusion. Il s’agit d’un outil bien commode pour les dirigeants qui veulent maintenir l’illusion de la démocratie. Si le charme vient à être rompu, c’est tout le sommet du système qui perd sa légitimité, donc qui s’effondre.
Notre monarchie ou oligarchie élective, qui s’intéresse davantage à l’épanouissement de la caste dirigeante, se plait à abêtir le peuple sans en avoir l’air. De là, rien d’étonnant à se sentir hostile ou indifférent à la politique. La première condition d’une démocratie est la participation de tout un chacun aux décisions politiques. Arrêtons donc de nous voiler la face, nous ne participons en rien aux grandes décisions, donc nous ne sommes plus en démocratie, si tant est que nous ayons déjà connu la démocratie.
L’habileté de nos politiciens est sans pareil. Ils ont réussi à nous faire admettre que nous sommes, non seulement incapables de pratiquer l’art de la politique, mais aussi de le comprendre. C’est là leur grande victoire car désormais, ils n’ont plus d’adversaires à leur taille en face d’eux ; seulement une masse passive et craintive d’individus peu concernés.
Voici pour nous une raison évidente de l’inaction du peuple français malgré la débandade de notre société. L’engagement politique n’a ni sens ni résultat si on adopte la logique des politiciens. Faire la démarche de s’engager, c’est sentir qu’on en a la capacité ; sentiment malheureusement bien rare. Généralement, on préfère s’en remettre aux experts qui, souvent, ne sont pas plus experts que vous et moi. Nos politiciens mettent tellement le paquet sur la communication, qu’ils sont parvenus à faire prendre des vessies pour des lanternes, c’est-à-dire des discours sans fond mais extrêmement compliqués sur le plan syntaxique pour des discours de spécialistes hors pair. La façade vaut plus que les fondations.
Quand bien même on fait le premier pas, encore faut-il savoir où aller. Prendre la carte d’un parti ? Non, il n’est pas question de se faire cataloguer sous l’étiquette d’un parti jusqu’à ne plus pouvoir sortir des lignes bien définies par les gérants. Demeure la peur d’être englouti sous un discours ou bien une idéologie sans équivoque. Et pourtant, les équivoques ce n’est pas ce qui manque. Qu’à cela ne tienne, la carte est tout de même prise, l’adhésion signée et payée. Mais quelle est la place du petit militant venu de sa campagne face à un éléphant du parti ? Il n’y a pas de commune mesure pour ce qui est du poids occupé par ces deux individus. Finalement, on se contente de soutenir gentiment et passivement les propositions émises par les quelques dirigeants du parti. On retrouve le même schéma au sein de l’État ou d’un parti politique.
Faire de la politique, ce n’est pas distribuer des tracts le dimanche après-midi pour recruter le plus de militants possible. Faire de la politique, c’est d’abord s’intéresser à la chose publique et pour le coup, tout le monde en est capable ! Et s’intéresser à la chose publique, c’est être attentif aux mécanismes d’une société, c’est réfléchir aux moyens de parfaire ces mécanismes, c’est véhiculer le fruit de ses réflexions, c’est prendre acte des réflexions d’autrui ou bien d’une réalité différente de la nôtre. Quel que soit le niveau de l’intérêt, il a toujours sa place. Dit comme ça, tout parait obscure et finalement bien complexe. Disons que la politique, ça va des revendications de l’agriculteur qui ne peut plus vendre son lait à un prix décent pour nourrir sa famille, au professeur d’université qui doit enseigner un même programme à ses étudiants mais dans un temps réduit de moitié, en passant par le médecin qui n’a pas pu soigner un patient non couvert par une mutuelle.
L’important, c’est premièrement de mettre en commun les observations et d’en analyser les tenants et les aboutissants. La politique, ce n’est pas une thérapie brève qui ne s’occupe que des symptômes propres à la maladie d’une société. D’où deuxièmement, la nécessité de penser globalement un système. La politique, ce n’est pas du bricolage qui vise à réparer ce qui s’étiole au fil du temps. La politique, c’est plutôt une prévention capable d’instaurer et de conserver un système solide au sein duquel tout le monde a sa place. Comme il est impossible de penser seul une société dans sa globalité, il est indispensable de penser ensemble pour retrouver le vivre ensemble.
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