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Source : CNIL

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 Une crise morale

 Jusqu’aux années 1980, le socialisme constituait une alternative crédible à notre société capitaliste. Crédible au point qu’en 1982, les banques et les plus grandes entreprises françaises furent nationalisée, première étape vers une société socialiste. Mais déjà, en Pologne, la naissance du syndicat Solidarité amorçait l’effondrement du communisme soviétique.

Dès 1983, la gauche au pouvoir renonçait à ses principes, sans jamais le reconnaitre – elle appelait ça “la pause”. Le communisme n’ayant pas tenu ses promesses, son opposant fut paré de toutes les vertus. Ce furent les socialistes qui, en France, libérèrent le capital financier de tous contrôles.

L’ultralibéralisme était l’horizon indépassable de l’humanité. Fukuyama proclamait que l’Histoire était finie. “There is no alternative”, il n’y a pas d’alternative, martelait Margaret Thatcher.

Il n’était plus possible de rêver d’un autre monde.

Le désir de changer les choses se dégradait en désir de changer des choses. Parfois, des situations peuvent évoluer, comme le mariage élargi aux homosexuels. Cela arrive quand de telles mesures ne coutent rien.

Des luttes se sont multipliées, pour conserver une usine, pour sauver une école, pour maintenir un hôpital, pour rejeter ACTA ; mais toujours partielles, ne mobilisant que les personnes directement concernées, elles n’aboutissent au mieux qu’à des succès défensifs : la conservation de la situation antérieure jusqu’à la prochaine remise en cause.

Certains ont tenté d’unifier ces luttes, espérant qu’il en sortirait quelque chose. Les faucheurs d’OGM ont côtoyé les antipub, les insoumis de l’enseignement primaire ont rivalisé d’ardeur avec les anti-nucléaire. Cela n’a pas abouti, parce qu’une juxtaposition, un habit d’Arlequin, ne constituent pas un projet de société. Il n’y a pas de vision d’ensemble, pas de visée directrice.

Quand aux jeunes, ils ont si bien intégré les préceptes de l’ultralibéralisme qu’ils ne peuvent plus imaginer une autre vie que fantasmée sur une console de jeu ou un téléphone portable. Pas de prise sur le monde réel, pas d’avenir ; la prophétie des punks, “no future”, est en cours de réalisation. Le surinvestissement de l’affectif, la prépondérance donnée aux fêtes sont des compensations risquées. La montée de la consommation de drogues, de l’alcoolisme, des suicides en témoigne. L’exaspération explose de temps à autre en jacqueries urbaines, stériles moments de défoulement.

L’ultralibéralisme impose son vocabulaire, destiné à désarmer ses opposants. Les licenciements collectifs sont rebaptisés « plans sociaux », le retour au XIXe siècle s’appelle « réformes structurelles », la paupé­ri­sation devient « amélioration de la compétitivité ».

Les intellectuels n’ont rien fait contre cet empêchement à penser, les enseignants qui font la promotion de l’esprit critique pas davantage que les autres. En refusant de toucher à la question du pouvoir, ils se sont enfermés chacun dans leur spécialité, et leurs propositions, intéressantes en d’autres temps, sont devenues dérisoires.

 

Une crise économique

L’URSS s’effondrant, les grands patrons s’en donnèrent à cœur joie, d’autant que les vestiges du communisme, Chine, Corée du Nord, Cuba, Vietnam, servent de repoussoir.

Le taux de profit du capital, qui tournait autour de 4 % pendant les “Trente glorieuses”, bondit, avec l’exigence d’un minimum de deux chiffres. Pour cela, les ultralibéraux ont décrété la “mondialisation”. Cela consiste à laisser circuler librement les capitaux et les marchandises. En fait, cela revient à mettre en concurrence les travailleurs qui ont obtenu des droits avec ceux qui n’en ont pas. « Si vous n’acceptez pas de travailler plus en gagnant moins, notre entreprise ne sera plus compétitive et devra fermer, elle sera délocalisée ! »

Vendre un peu moins cher en produisant beaucoup moins cher, ça a rapporté gros. C’est passé d’autant mieux qu’il n’y a pas que les capitalistes qui en aient profité. Quoique de façon bien moindre, les retraités, les fonctionnaires, les agriculteurs ont constaté avec plaisir la baisse des prix des produits industriels. L’ultralibéralisme faisait la preuve de son efficacité !

Les deux tiers des jeunes ingénieurs se détournaient de la production pour s’enrichir dans la finance, leur couteuse formation ainsi gaspillée. Les écoles de commerce prospéraient. Vendre devait assurer un avenir radieux. On allait se vendre les uns les autres ce que plus personne, ici, ne produisait.

Le hic, c’est que ça ne pouvait pas durer. À l’échelle individuelle, c’était difficile à percevoir, même pour des ouvriers. Pas mal d’entre eux profitaient de leur préretraite et des indemnités de licenciement. Ils n’avaient pas trop à se plaindre. Le problème s'est révélé pour leurs enfants. Stages non rémunérés, petits boulots… Les solidarités familiales permettaient d’atténuer d’amortir ce déclassement. Les jeunes restaient plus longtemps à la maison, ce qui ne rompait pas leurs habitudes. Maintenant, ça devient plus dur ; beaucoup de ceux qui ont fondé un foyer sont contraints à revenir chez leurs parents, bébés dans les bras.

Pendant ce temps, la fortune des plus riches, et surtout celle des extrêmement riches, explosait. C’est parfait, disaient les thuriféraires de l’ultralibéralisme, car ce sont eux qui créent la richesse. Donnez mille euros à un pauvre. Il va immédiatement s’acheter un écran plat ou, s’il économise, ça sera pour son logement. Il n’investira pas dans la production. Donnez les mille euros à un riche. Il ne saura qu’en faire. Donc, il les investira ! Cela crée des emplois et toute la société en profite.

Voilà pour la théorie. Or, ce sont ces mêmes riches qui ont délocalisé. Il n’y a aucune raison pour qu’ils ne poursuivent leur penchant naturel et qu’ils n’investissent ailleurs, là où ça leur rapporte le plus.

S’ils investissent encore, d’ailleurs. Qui dit investissement dit production. Quand la population s’appauvrit, s’il n’y a plus de perspectives pour écouler cette production, l’investissement devient du gaspillage.

Dans certains pays comme l’Espagne ou les États-Unis, les classes populaires ont longtemps maintenu leur consommation par l’endettement. Les capitalistes se sont aussi lancé dans la spéculation pour conserver des profits extravagants, grâce à des bulles découplées de l’économie réelle. La plus grosse bulle a concerné le logement. Après coup, on a condamné les banques pour avoir accordé des crédits immobiliers à des personnes insolvables ; mais sur le moment, ça n’apparaissait pas aussi stupide. Quand le prix des habitations s’envole, ça vaut le coup d’emprunter pour acheter et revendre plus tard, en empochant ainsi la différence.

Les bulles financières sont construites sur le même schéma que les pyramides. Vous avez certainement reçu un des ces messages qui vous promettent la fortune en envoyant dix euros aux cinq premiers sur une liste, en enlevant le premier nom sur la liste, en ajoutant le votre en bas et en trouvant dix de vos connaissances pour continuer la combine. Cela revient à gagner de l’argent sans produire de richesses. Si vous avez essayé, vous avez constaté que ça ne marche pas — à moins que vous n’ayez été l’initiateur de la liste…

Bernard Madoff

Ça ne marche pas parce qu’on ne peut pas trouver à l’infini de nouveaux clients dans un monde fini. Mais si une liste comme celle-ci s’épuise rapidement et ne fait pas courir de risques à l’économie, les bulles spéculatives, elles, durent plus longtemps et peuvent créer l’illusion que tout le monde peut s’enrichir sans travailler.

Les banques américaines, espagnoles et tant d’autres se sont goinfrées de crédits hypothécaires. L’éclatement de la bulle américaine, la “crise des subprime”, a mis le système bancaire en situation de faillite.

Pour arrêter l’effondrement du système, les États ont pris à leur charge les pertes des banques. « Nous n’avons pas commis la même erreur qu’en 1929, la crise est derrière nous ! » se félicitaient les économistes ayant accès aux médias. En réalité, la crise avait été transférée des banques aux États, croulant désormais sous les dettes, tandis que dès 2009 les banques américaines distribuaient des dividendes record.

Le surendettement des États n’a pas perturbé les économistes libéraux. La recette était simple : que ces États se désendettent ! Pour cela, il suffit de tailler dans les dépenses, superflues du point de vue des économistes bourgeois. De la mauvaise graisse : santé, éducation, retraites, protection contre le chômage, rien qui augmentât les bénéfices.

Le résultat ne s’est pas fait attendre. Plus les mesures d’austérité ont été appliquées, plus la dette des États a bondi ! La première victime, la Grèce, a été la première à faire, partiellement, défaut. C’est que partout, l’austérité a entrainé une récession et donc une baisse des ressources des États plus grande que les économies réalisées.

Là, les économistes bourgeois paniquent. Ils veulent oublier que c’étaient eux qui exigeaient le redressement des finances des États. Désormais, ils demandent et l’austérité et la relance de l’économie. Comme un médecin qui exigerait de son patient de garder absolument le lit tout en pratiquant plusieurs heures de sport chaque jour !

C’est une contradiction insoluble et c’est pourtant ce que propose François Hollande. De la rigueur, et la relance de l’économie en prime. On en parle comme si c’est comme si c’était fait, comme si le plus dur avait été de convaincre Angela Merkel.

Les mesures prises par le gouvernement Ayrault, qui taxent le capital improductif, sont saines pour l’économie. C’est que ce n’est pas l’argent qui manque. La preuve, c’est que des financiers peuvent prêter à court terme à la France avec un taux d’intérêt nominal négatif, c’est-à-dire à un taux réel de -2,5 % (quand on prend en compte l’inflation). En remettant une partie du capital inutilisé dans le circuit, le gouvernement assainit donc partiellement l’économie. Mais c’est loin, très loin d’être suffisant : le problème n’est pas la liquidité (le manque d’argent) mais la solvabilité des emprunteurs (leur capacité future à rembourser). Nous revoilà au problème initial : la raison fondamentale de cette crise, c'est la réduction de la consommation populaire, c’est le renforcement des inégalités sociales. Ce qu’il faudrait pour la résoudre, c’est que les pauvres soient moins pauvres – et par conséquence, que les riches soient moins riches. Cela, les économistes officiels et tous ceux qui travaillent dans la finance ne peuvent même pas l’imaginer.

Au contraire, ils ne cessent de réclamer des nouvelles mesures structurelles. Des mesures structurelles tout court, d’ailleurs, car ils proclament qu’en France, contrairement aux autres pays européens, rien n’aurait été fait. Ce qui est curieux, d’ailleurs, puisqu’ils se félicitaient en leur temps des mesures structurelles de Sarkozy. Ces mesures « courageuses et forcément impopulaires » devaient à terme nous apporter la prospérité et la fin du chômage.

C'est qu'il leur en faut plus, toujours plus. En gros, l'aboutissement des “mesures structurelles”, c’est la précarité totale de l’emploi, la possibilité de baisser sans limite les salaires, la fin du droit de grève(1).

C'est pourquoi l’horizon des économistes libéraux n’est jamais décrit. Il faut toujours aller plus loin pour « redevenir compétitif ». Ce qu’ils se gardent de préciser, c’est qu’il y aura toujours un pays avec une main d’œuvre plus réprimée, moins chère. Beaucoup de gens qui travaillent n’ont désormais plus les moyens de se loger. Faudra-t-il aller plus loin ? Faudrait-il aussi qu’ils aient faim(2) ? Faudrait-il qu’ils soient punis s’ils n’ont pas rempli leur quota de production ? Silence des ultralibéraux.

Est-ce que la paupérisation absolue – le simple maintient en vie des travailleurs – assurerait la compétitivité de notre économie ? À l’évidence, non, parce cette production n’aurait plus de débouchés.

Pour l’instant, la crise de la spéculation immobilière en Espagne n’en finit pas de fuser et d’intoxiquer l’économie européenne. Si l’État espagnol continue de sauver ses banques, c’est lui qui fait défaut. S’il ne les sauve pas, c’est le système bancaire européen qui s’écroule… La dernière trouvaille, c’est que la dette colossale des banques espagnoles soit prise en charge par des instances européennes, ce qui reviendrait à la diluer auprès de l’ensemble des contribuables européens. En attendant que d’autres dettes soient à leur tour ainsi transférées, leur cout devenant de plus en plus insupportable pour la collectivité ; certains peuples, comme les Finlandais, le refusent déjà, ce qui provoque l'indignation de nos commentateurs pour ce manque de solidarité.

Tôt ou tard, un krach terminal, que ce soit celui d’un État, de banques, voire de la monnaie, mettra fin à l’euro. Le délai se compte en semaines ou en mois.

La France retrouvera ses francs et sera confrontée aux conséquences de sa désindustrialisation. L’euro a masqué que nous sommes en voie de sous-développement. Un euro français permet d’acheter des produits allemands. Un franc français permettra quoi ? Il faudra bien équilibrer ce que nous importons et ce que nous exportons. C’est déjà arrivé à la Grèce. Ses fournisseurs, que ce soit de gaz russe ou d’épices indiennes, exigent d’être payés cash.

Ce rééquilibrage de notre commerce se traduira soit par une forte hausse des produits importés, soit par un rationnement, par exemple en ce qui concerne les carburants. La réparation des objets se généralisera. On portera à nouveau ses chaussures chez le cordonnier plutôt qu’acheter une autre paire de Nike. Le recyclage des matériaux se fera sans qu’il y ait besoin de construire de nouvelles déchèteries.

 

Une crise politique

Notre système politique est incapable de faire face à la situation.

La première raison est qu’il en est la cause. Les socialistes se désolent aujourd’hui des catastrophes sociales. Le problème, c’est que ces catastrophes ne sont que les conséquences de la mondialisation qu’ils ont mise en place il y a trente ans.

La deuxième raison est que notre institution politique est incapable de se rénover. Monarchie élective déguisée en république, pouvoir autoritaire camouflé en démocratie, elle donne tout le pouvoir à une seule personne. Aucune institution n’est en mesure de réduire les pouvoirs du Président, hormis le Président lui-même, puisque depuis l’accord Jospin-Chirac de 2000, le parlement procède du Président.

Les Français ne s’y trompent pas. L’abstention, les votes blancs et nuls approchent les 50% aux dernières élections législatives. La classe politique s’est coupée de la population.

L’échec du gouvernement socialo-écologiste est inéluctable parce qu’il ne s’attaque pas aux fondements de notre déclin. Roi du trompe-l’œil, François Hollande remporte des victoires insignifiantes. Le chômage, la pauvreté, la misère vont exploser. Il suffit de regarder ce qui se passe en Grèce et en Espagne pour savoir ce qui nous attend.

Cela n’entrainera pas une révolution. Pour qu’il y ait révolution, le mécontentement populaire et l’incapacité des élites ne suffisent pas. Il faut qu’il y ait projet d’une autre société. Un tel projet n’existe pas chez nous. L’extrême-gauche est en retard de trente ans ; elle n’a toujours pas assimilé la fin du communisme. Voici deux points qui illustrent sa carence intellectuelle.

Le premier, c’est le SMIC à 1700 €. « Parce que c’est juste et nécessaire pour vivre décemment », nous dit Mélenchon. Ces arguments moraux sont imparables. Le SMIC devrait donc aussi être de 1700 € par mois en Grèce ou au Mali… « C’est aussi que c’est possible éco­nomiquement », ajoute Mélenchon. Là, je ricane. Non que je souscrive aux inquiétudes des patrons des petites entreprises, qui sont effectivement étranglées aujourd’hui – leur problème, ce n’est pas que les salaires soient trop hauts, bien au contraire, mais qu’on les a mis dans une situation de concurrence inégale grâce à la mondialisation. Non, je regarde simplement autour de moi l’origine des produits de consommation courante. Ils viennent de Chine, du Mexique, du Maroc, de Turquie… Une chose est évidente : l’importation des vêtements, des appareils ménagers, des écrans plats, des téléphones, des automobiles, etc. suivrait la hausse des salaires. La question est : jusqu’à quand les Chinois, les Turcs, les Marocains vont-ils continuer à nous fournir sans contrepartie ?

La réalité, c’est que, qu’elles que soient les bonnes intentions, la baisse de la consommation va s’accentuer, tout simplement parce que l’ultralibéralisme a bousillé en temps de paix notre industrie aussi bien qu’a pu le faire la dernière guerre, et qu’il n’y a plus de houillères, de minerai de fer de Lorraine, ni de jeunes qualifiés pour reconstruire.

Le second point concerne l’immigration. L’extrême-gauche actuelle est favorable à la régularisation des sans-papiers. L’hostilité de la CGT à la venue de travailleurs étrangers dans les années 60 n’est plus de mise. En ce temps d’avant la mondialisation, la CGT percevait l’immigration comme un moyen de faire pression sur les salaires et les conditions de travail, bref déjà de pratiquer du moins-disant social. Pour des raisons morales, à nouveau incontestables, l’extrême-gauche a rejoint le patronat – pour des raisons financières quant à lui.

Dès lors, le Front de Gauche peut toujours s’étonner de la faiblesse de son impact dans les milieux populaires. Il ne sait pas que l’arrivée d’étrangers y est d’abord perçue comme une menace pour l’emploi. Tant que l’on connaissait le plein emploi, la concurrence des immigrés n’était pas un problème. On leur laissait volontiers les postes d’ouvriers spécialisés dans les usines d’automobiles et le soin de ramasser nos ordures. Les fonctionnaires, les membres de la classe moyenne intellectuelle qui constituent désormais l’essentiel des militants de l’extrême-gauche, n’ont pas compris le changement. C’est que leurs emplois ne sont pas concernés par cette concurrence ; ils peuvent généreusement laisser libre cours à leurs bons sentiments.

L’inadaptation des propositions des intellectuels comme de l’extrême-gauche laisse le champ libre à l’extrême-droite.

Seul le Front National formule des propositions globalement cohérentes pour sortir de la crise : abandon de l’euro, fin du moins-disant social par la fermeture des frontières, tant en ce qui concerne les marchandises que l’immigration. Nos brillants intellectuels s’offusquent. Selon eux, il serait impossible de sortir de la mondialisation.

De toute façon, seul un miracle pourrait sauver l’euro. Autant ne pas s’aveugler et anticiper la suite.

Quand à l’impossible fermeture des frontières, elle est déjà réalité pour les Grecs. Les importations ont cessé, les fournisseurs exigeant d’être payés à l’avance. Les immigrés sont pourchassés par les commandos d’Aube Dorée, sous le regard bienveillant de la police.

Chez nous, la vie politique semble se dérouler normalement et certains préparent déjà des élections de 2017. Il n’est pas sûr que le calme apparent perdure assez longtemps. Le Front National peut non seulement faire alliance avec la Droite Populaire, mais accompagner les protestations de plus en plus vives qui ne manqueront pas d’émerger, et exiger du Président la tenue d’élections anticipées. S’il y a des émeutes, il sera difficile d’utiliser les forces de l’ordre, déjà largement favorables aux idées de l’extrême-droite.

Beaucoup s’imaginent à tort que le Front National serait incapable de gérer le pays. Tôt ou tard, il faudra en finir avec l'ultralibéralisme. Les frontières vont se refermer et cela apportera un soulagement aux classes populaires, en particulier aux ouvriers et aux agriculteurs, méprisés depuis des décennies et qui ont, pour l’instant, subi l’essentiel du désastre. Certes, leur niveau de vie ne s’élèvera pas, mais l’écart avec les classes moyennes se réduira, voire s'inversera. Le travail manuel reprenant ses droits, la vie éthérée dans des mondes virtuels ne sera plus le but de la vie.

Les difficultés seront massives. Pour les raisons évoquées plus haut, l'austérité sera drastique. Gageons que l’extrême-droite saura utiliser les haines pour détourner le mécontentement à l’encontre de boucs émissaires. Gageons aussi qu’elle saura utiliser les peurs pour restreindre les libertés. Elle n'aura qu'à suivre l'exemple donné par Poutine pour justifier le contrôle d’internet par la lutte contre le terrorisme, la pédophilie et les suicides.

Nous n’avons donc devant nous pas la perspective d'une révolution, mais celle d'une contrerévolution.

La possibilité, même infime, de modifier le cours des évènements justifie mon engagement.

(1)Si vous imaginez que j’exagère, écoutez les analystes financiers sur BFM. Certains y expriment sans la moindre vergogne leurs exigences, dans leur novlangue à décoder.

(2)La faim a refait son apparition chez les promoteurs de l’ultralibéralisme. Selon une enquête du Guardian, 85% des enseignants du primaire et du secondaire constatent que certains de leurs élèves ont faim, et la moitié d'entre eux leur apportent de quoi manger.